La question de la surveillance des employés par les employeurs est une problématique qui suscite de nombreuses interrogations auprès des travailleurs. Avec l’évolution rapide des technologies, cette question devient encore plus présente à mesure que l’utilisation des téléphones portables professionnels se généralise. Cet article vise à apporter des éléments de réponse concernant la possibilité pour un employeur de suivre les déplacements et activités de ses employés via leur portable professionnel.
Le cadre légal de la géolocalisation au travail
Dans un environnement professionnel, il n’est pas rare que les employés soient équipés d’appareils électroniques tels que des ordinateurs, des tablettes ou des téléphones portables professionnels. Parmi les fonctionnalités offertes par ces dispositifs, la géolocalisation peut soulever certaines questions d’ordre juridique et éthique. En effet, si elle permet d’améliorer la gestion des interventions et des trajets, elle représente aussi un potentiel moyen de contrôler les déplacements des travailleurs.
Pour encadrer l’utilisation de ce type de technologie, le législateur français s’est appuyé sur le Code du Travail ainsi que sur la commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Ainsi, plusieurs conditions doivent être respectées pour qu’un employeur puisse utiliser la géolocalisation dans le cadre professionnel :
- La finalité doit être légitime : cela signifie que l’usage de la géolocalisation doit répondre à un objectif précis et justifiable, comme la sécurité des biens et du personnel, la gestion du temps de travail ou l’amélioration de l’organisation des déplacements.
- La proportionnalité est nécessaire : il doit y avoir un équilibre entre les intérêts de l’entreprise et le respect de la vie privée des salariés. L’employeur ne peut collecter que des données strictement nécessaires pour atteindre la finalité poursuivie.
- Le consentement des employés : même si le dispositif de géolocalisation est mis en œuvre pour une raison légitime, les salariés doivent être informés de son existence et de ses modalités d’utilisation, ainsi que de leurs droits en matière d’accès, de rectification et d’opposition.
Dans ce contexte, il convient également de mentionner l’existence de dispositifs PTI-DATI. Ils permettent d’assurer la sécurité des travailleurs isolés grâce à des fonctionnalités telles que la géolocalisation ou l’émission d’alertes en cas de situation dangereuse. Mais, s’ils sont intégrés dans des smartphones à usage perso et pro, la question de la géolocalisation en dehors des heures de travail se pose.
Les obligations de l’employeur en termes de protection du travailleur isolé
Comme évoqué plus haut, certaines professions nécessitent une surveillance accrue afin d’assurer la sécurité des travailleurs concernés, souvent qualifiés de travailleurs isolés. Parmi ces professions, on peut citer les agents de maintenance, les conducteurs de machines industrielles ou encore les gardiens d’immeuble. L’employeur se doit de protéger ces travailleurs et de prendre des mesures adaptées pour prévenir les risques encourus par eux.
Mise en place d’un dispositif de protection du travailleur isolé
Pour respecter ses obligations légales, l’employeur doit notamment mettre en place un dispositif de protection qui intègre plusieurs éléments, tels que :
- La formation des travailleurs aux risques liés à leur activité et aux procédures d’urgence
- La sécurisation des équipements et des espaces de travail
- L’utilisation de matériel spécifique, comme des téléphones professionnels munis de dispositifs PTI-DATI avec géolocalisation intégrée
- Le suivi régulier de l’évolution des risques et des moyens mis en œuvre pour les contrer.
Il est donc possible pour un employeur de recourir à la géolocalisation afin de garantir la sécurité de ses salariés, dès lors qu’il respecte certaines conditions destinées à préserver leur vie privée. Toutefois, il convient de souligner que le droit d’accès et de rectification concerne également les données relatives à la localisation des travailleurs.
Géolocalisation : des limites à ne pas franchir
Si la mise en place de dispositifs de géolocalisation peut être justifiée dans certains cas, il reste impératif de veiller au respect des droits des salariés concernés. Ainsi, la CNIL précise que la collecte et le traitement des données relatives à la géolocalisation doivent être réalisés en conformité avec les principes de minimisation et de proportionnalité, tout en garantissant une information complète et transparente aux travailleurs concernés.
Cas de figure où l’utilisation de la géolocalisation est interdite
Il existe cependant certaines situations dans lesquelles l’usage de la géolocalisation est formellement interdit, y compris en cas d’accord du salarié :
- Lorsqu’il existe des alternatives moins intrusives pour atteindre le même objectif (ex : organisation des tournées par un logiciel dédié)
- Pour surveiller les employés pendant leurs pauses ou leur temps libre
- Lorsque cela conduit à stigmatiser certains travailleurs en raison de leur appartenance à une catégorie spécifique (ex : contrôle renforcé d’un employé considéré comme peu productif).
En définitive, la mise en œuvre d’un système de géolocalisation doit toujours répondre à une finalité légitime et se limiter aux données strictement indispensables pour atteindre cet objectif. Le respect de ces règles permettra d’assurer un équilibre entre les intérêts des entreprises et ceux de leurs employés.